La sueur après le sang

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L'édito du lundi par Emmanuel Massicard... Mea Culpa. Oui, mea culpa pour avoir écrit, en juin dernier, que Florian Grill ne serait pas en mesure de gagnerl’élection fédérale.Notre affirmation d’alors ne devait rien à la cafédomancie, autrement dit la lecture divine du marc de café. Elle découlait de la consultation réalisée par les journalistes de Midi Olympique auprès de 300 clubs français. à l’époque, Bernard Laporte devançait son adversaire. Et même assez confortablement pour que l’élection nous semble jouée en juin alors que les vacances arrivaient, que « Bernie » n’avait pas officiellement lancé son rouleau compresseur dans la campagne, et que le Parquet National Financier avançait encore masqué.

Grill s’y voyait, mais il n’a pas gagné. Laporte, lui, se contente d’une victoire quand il espérait un plébiscite. Les « sondeurs » de Midol, eux, ont vu juste, dont la part imposante des indécis qui pouvait tout chambouler. L’étude des résultats pourrait révéler où s’est jouée l’élection. Mais ne cherchez pas, le vote électronique -levier démocratique instauré par Laporte- conservera la part de mystère. Et donc de fantasme.
Seule certitude, il n’a pas manqué grand-chose pour que les rôles soient inversés avec l’élection de 2016, et que se répète l’histoire de la table présidentielle renversée par le challenger. 

Ce qui a fait la différence ? La flamme qui habite l’ancien sélectionneur, du moins sa soif de victoire et sa haine de la défaite -certainement ce qui l’a amené à s’isoler dans son bureau du CNR plutôt que d’attendre dans un auditorium où il ne serait peut-être jamais venu en cas d’échec. Souvent seul et pas assez relayé en première ligne par sa garde rapprochée, Laporte s’est battu jusqu’au bout pour convaincre les derniers indécis.Ne lui enlevons pas ce mérite.

Quelqu’un d’autre aurait-il pu réussir pareil tour de force, dix jours après 35 heures de garde à vue ? Pas sûr. De la même manière, quelqu’un d’autre aurait-il été proche de perdre une telle élection, jugée « imperdable » depuis l’attribution du Mondial 2023 ? Pas sûr encore. 
Voici résumée toute la dualité du personnage. Là où certains auraient surfé sur la vague du consensus, le combattant Laporte a été clivant, souvent plus que de raison. Depuis quatre ans, il a livré bataille sur tous les fronts possibles, au risque de s’éparpiller et de renforcer le nombre de ses adversaires. Mais cette débauche de combats l’a également nourri autant qu’elle a alimenté ses partisans. S’il a beau rôle aujourd’hui de dénoncer la guerre menée par la Ligue (qui a effectivement attaqué la FFR en justice), impossible d’oublier qu’il l’avait lui-même menacée au lendemain de sa première élection. Qui fait la guerre ne dort jamais en paix...

Qu’en sera-t-il demain, dans les semaines à venir et tout au long de son dernier mandat, alors qu’il n’a plus de défi personnel à relever ? Le patron du rugby affiche sa volonté de rassembler le rugby français. Mais il exprime aussi son opposition plus vive que jamais envers Paul Goze...

« La sueur épargne le sang » disait Vauban, en fin stratège. Reste à savoir si le défi d’unité résistera à l’appétit féroce du combattant. C’est à souhaiter pour le monde amateur qui, en grande souffrance, réclame une aide concrète plutôt qu’avoir à vivre ce théâtre de déchirements loin de ses préoccupations quotidiennes. Même chose pour les clubs professionnels qui méritent autre chose que des prises d’otage.

En clair, s’il entend marquer son époque, le président de la FFR doit changer de logiciel et voir plus loin qu’aucun de ses prédécesseurs ne l’a jamais fait jusqu’ici. Il doit rassembler et fédérer autour d’une vision nouvelle qui fera du rugby un acteur majeur de la société de demain. Il doit enfin porter et partager une stratégie qui servira l’ensemble des clubs -pros et amateurs- loin des clivages et intérêts particuliers qui deviendront majeurs autour des Bleus d’ici à 2023. 

S’il a triomphé sabre au clair, c’est loin du combat que Laporte doit désormais écrire l’histoire de son second mandat. Parce que cette fois, il ne pourra pas gagner seul.  

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