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Reggiardo : "Je ne suis pas encore quitte vis-à-vis du CO"

Par BOURNIQUEL David
  • Mauricio Reggiardo enserre Julien Hériteau. Le technicien argentin vient de vivre son dernier match sur le banc du SUALG, une aventure couronnée de succès. Photo Icon Sport
    Mauricio Reggiardo enserre Julien Hériteau. Le technicien argentin vient de vivre son dernier match sur le banc du SUALG, une aventure couronnée de succès. Photo Icon Sport
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Maintenu deux fois avec le plus petit budget du championnat, l’artisan du miracle agenais se confie avant son départ pour le CO.

Sur son bilan agenais

Midi Olympique : Après trois saisons passées à Agen, vous avez vécu votre dernier match sous les couleurs du SUALG samedi après-midi (défaite face au Racing 92, 35-3). Quel bilan dressez-vous de votre passage à Armandie ?

Mauricio Reggiardo : Je crois que nous avons fait du bon travail. Le bilan est très positif puisque lors de ma première saison (2016-2017, N.D.L.R.), nous réussissons à monter en Top 14 au terme d’un exercice très abouti en Pro D2. Ensuite, une fois jetés dans la bataille de l’élite, nous nous sommes maintenus deux fois avec le plus petit budget de la compétition… Ce n’est pas rien, quand même ! Tous les objectifs sportifs ont été remplis tout en respectant le modèle économique et le plan de développement du club. Agen est un club formateur - le meilleur du Top 14 d’après le classement de la Ligue - et nous avons su continuer à former et développer des jeunes joueurs performants tout en maintenant le club en Top 14. Mission accomplie !

Il y a bien eu des moments plus difficiles que d’autres, non ?

M. R. : La saison dernière, quand on prend soixante-dix points à Lyon (71-17) et qu’on enchaîne par la réception de Toulouse qui nous en passe cinquante (52-25), cela nous a fait très mal à la tête. Et il fallait aller à Paris en suivant… Ce n’était pas évident mais nous avons toujours pu compter sur le soutien indéfectible de notre président Jean-François Fonteneau. J’ai toujours eu de bons rapports avec lui mais notre force, c’est que dans la difficulté nos rapports devenaient très bons. Il était toujours là pour soutenir les troupes quand nous avions une baisse de régime. C’est très important de se sentir soutenu par le président.

Avec vos contraintes d’effectif et de budget, quelles ont été vos priorités pour accrocher le maintien ?

M. R. : Avec Stéphane (Prosper) et Rémi (Vaquin), on a mis une place un plan de bataille. Notre grande force c’est d’avoir su rester lucide et d’adapter ce plan de bataille en temps réel en fonction de la situation. Dans un club comme Agen, il faut parfois être capable de mettre son ego et son côté compétiteur en sommeil. Dans la saison, il y a des matchs que l’on a ciblés pour qu’ils nous rapportent des points au classement et d’autres pour lesquels on avait une vision plus lointaine, qui nous ont servis à développer ou à relancer des joueurs qui allaient servir le projet plus tard. Donner de l’expérience en quelque sorte. En faisant cela, nous savions qu’on s’exposait au risque de prendre cinquante points. Cette année, cela nous est arrivé au Racing et à Lyon par exemple. Personnellement, lorsque je fais jouer un mec en développement et qu’il n’est pas très performant, je lui donne une autre chance deux ou trois mois plus tard, pour voir s’il a progressé. Je pense que les meilleurs des entraînements se font à balles réelles, en matchs. Il n’y a que lors d’une vraie opposition que l’on peut voir si un mec franchit des paliers ou pas. Les entraînements ne sont que des indicateurs. La vérité vient toujours de la compétition. Notre force, aussi, est d’avoir su faire évoluer notre rugby…

C’est-à-dire ?

M. R. : Par rapport à la saison dernière, nous n’avions pas les mêmes hommes. Alors on a construit notre maintien avec un rugby différent, on a changé nos armes. Nous sommes passés d’un rugby offensif à quelque chose de plus pensé, plus réfléchi. Cette année, nous étions plus dans l’adaptation. Par exemple, on a su jouer des matchs où nous avions énormément le ballon, comme contre Lyon chez nous (victoire 25-15) et d’autres où nous laissions l’initiative du jeu à nos adversaires (victoire à Grenoble 29-11). Sur le plan du rugby pur, cette capacité d’adaptation est notre plus grand progrès.

Cet exercice a été marqué par l’annonce très précoce de votre départ à Castres pour la saison 2019-2020. N’avez-vous pas eu peur que cela affecte vos joueurs et votre saison ?

M. R. : Je pense être quelqu’un de droit et de franc et ce sont des valeurs que je partage avec "Jeff" (Fonteneau). C’est d’ailleurs grâce à cela qu’outre le fait qu’il soit mon patron depuis trois saisons, il est devenu mon ami. Nous avons pris la décision de communiquer et de clarifier très tôt ma situation parce que je ne me voyais pas m’occuper de la saison 2019-2020 d’Agen, y faire venir des joueurs, leur présenter le projet du club tout en sachant que je ne serai plus là. C’est une question d’honnêteté. On a pris un risque parce que nous faisons l’annonce officielle le mercredi précédant la réception de Perpignan, le deuxième match de la saison, après avoir pris une fessée à Clermont en ouverture (67-23). On aurait pu lâcher mentalement et nous torpiller. Aujourd’hui, on peut dire que la prise de risque s’est avérée payante même si cette histoire, avouons-le, a affecté mes joueurs et que je ne reconnaissais pas mon équipe à un moment donné. Les gars étaient touchés et cela ne nous permettait pas de vivre notre aventure à fond. Je crois que le rugby n’a pas changé, il a juste évolué et il reste une histoire d’hommes. Pour qu’une saison se passe bien, il faut s’aimer.

Vous avez aussi entretenu de très bons rapports avec votre staff…

M. R. : Avec Stéphane, Rémi, Philippe (Sella), Mathieu (Barrau, le préparateur physique) et tous les autres membres du staff, on a été très soudés, très solides, sans failles. Cette force collective a été très importante dans la construction de la saison.

N’est-il pas dommage d’éclater cette belle cohésion, alors ?

M. R. : C’est le rugby professionnel qui veut ça, tout le monde en est conscient. Dans mon modèle - qui n’engage que moi - les analystes vidéos, les préparateurs physiques, les kinés, les toubibs… appartiennent au club. Ces mecs-là font partie de l’identité, ils sont les garants de la transversalité en son sein. Les managers, les coachs, sont seulement de passage. C’est à eux de s’adapter quand ils arrivent dans une nouvelle structure. C’est pour ça qu’à Castres, je travaillerai avec quasiment le même staff que Christophe Urios.

Vous laissez Agen en Top 14, quels sont les axes que le club peut améliorer ?

M. R. : Le modèle économique du club peut exister en Top 14. On l’a prouvé. Le projet du nouveau stade est très important, il y aura sans doute un avant et un après. C’était un projet un peu fou, porté entre autres par Jean-François. Aujourd’hui cela prend forme et c’est important que les acteurs économiques locaux le soutiennent. Le principal axe d’amélioration dans ce club, c’est sa communication et sa commercialisation. Aujourd’hui, Agen n’est pas au niveau. (À titre d’exemple, à l’heure des réseaux sociaux, le SUALG n’a "que" 16 000 abonnés twitter alors que la plupart des clubs de Top 14 en ont plus 50 0000 avec des pointes à plus de 200 000). Il y a un vrai travail à faire de ce côté-là. Je crois savoir que le président est sur le coup.

Sur son avenir à Castres

Avez-vous une quelconque pression au moment de retourner au CO ?

M. R. : Franchement non. J’ai beaucoup d’envie, beaucoup d’appétit. J’ai un peu peur aussi. Je n’ai pas honte de le dire. Il faut être capable de transformer cette peur en énergie positive. Je suis heureux de revenir. C’est mon club, Castres.

Pourquoi cet amour quasi filial pour ce club et cette ville ?

M. R. : Le CO et Castres m’ont beaucoup donné. Ce club et cette ville ont façonné l’homme que je suis. J’y ai beaucoup mûri, j’y ai acquis de l’expérience. La dernière fois que je suis parti de Castres (après avoir réussi l’opération maintien en 2015), j’ai dit que j’étais quitte vis-à-vis du club. En y réfléchissant bien, je pense que je lui dois encore beaucoup. J’ai une très bonne relation avec Pierre-Yves Revol et Matthias Rolland et cela a compté dans le choix de retourner à Castres. On se fait confiance, on se respecte, ce sont des gens avec qui je prends énormément de plaisir à échanger. Aujourd’hui il n’y a pas de projet "Mauricio Reggiardo", il y a un "projet CO". Je suis au service du club. Le CO était là avant nous et il sera encore là quand on sera mort. L’institution est toujours au-dessus des hommes.

Que pensez-vous de la saison de votre futur club ?

M. R. : J’ai beaucoup de respect pour ce qui a été accompli par Christophe Urios. Il est l’entraîneur de l’équipe championne de France. Je ne me permettrais pas de juger son travail.

Mais c’est officiel depuis ce week-end, le CO ne jouera pas les barrages…

M. R. : Honnêtement, c’est une énorme surprise. Comme tous les acteurs du rugby français, la seule question que je me posais c’était de savoir si Castres recevrait ou pas en barrage. Il était clair que cette équipe allait se qualifier. Bon… Ce ne sera pas le cas. Avec trois défaites lors des trois dernières réceptions, il manquait sans doute quelque chose. Je ne m‘y attendais pas. Je me préparais à jouer la grande coupe d’Europe. Je vais devoir revoir mes plans. Il y a des choses que je peux maîtriser et d’autres pas…

Le projet CO de Mauricio Reggiardo, ce sera quoi finalement ?

M. R. : On est en train de travailler sur les objectifs sportifs avec Pierre-Yves et Matthias. Ce qui est certain c’est que je vais trouver un club très structuré, très puissant sur son versant professionnel et un peu moins au point sur sa formation. Aujourd’hui, le Castres olympique est le quatorzième centre de formation de France. C’est un axe à développer urgemment. On est en train de structurer tout cela, on fait évoluer l’organigramme.

Sur la Coupe du monde et l’équipe de France

Que pensez-vous de l’arrivée de Fabien Galthié à la tête de l’équipe de France ?

M. R. : Je pense qu’il est un des meilleurs techniciens du monde. Je le connais pour avoir travaillé avec lui alors qu’il était notre consultant, en Argentine, entre 2008 et 2010. J’officiais alors comme entraîneur des avants des Pumas. Pour moi, il y a deux catégories de techniciens : ceux des clubs, et ceux des sélections. Fabien, c’est un mec de sélection. Il faut prendre les joueurs, les meilleurs de son pays, et être capable en peu de temps d’établir une stratégie pour pouvoir en tirer la quintessence et représenter au mieux sa nation. Fabien, pour ça, il est très fort. "Combien il a de sélection, Fabien ?"

64…

M. R. : Quand un joueur totalise 40, 50, 60 sélections ou plus, son club c’est son pays. Pour moi Philippe Sella, c’est l’équipe de France. Fabien Pelous, c’est l’équipe de France ; Raphaël Ibanez, c’est l’équipe de France, Olivier Magne, c’est l’équipe de France. Ces mecs-là savent mieux que quiconque comment fonctionnent les sélections. En Argentine, Fabien Galthié nous a apporté sa méthode, sa rigueur et cela nous a fait énormément de bien.

Que pensez-vous des chances de l’équipe de France au Japon ?

M. R. : Il faudra compter sur elle. La France est toujours dangereuse à la Coupe du monde. Quand on regarde ses parcours sur les saisons passées, elle est toujours près du bout.

Que manque-t-il aux Bleus pour être champions du monde ?

M. R. : Pour moi, le champion du monde n’est pas forcément la meilleure équipe du monde. À mon sens, depuis 40 ans, la meilleure équipe du monde, ce sont les All Blacks. Il n’y a pas de discussions possible là-dessus. Par contre ils ne sont pas toujours champions du monde. En 2007, c’est l’Afrique du Sud qui gagne en proposant un rugby de rien. Pourquoi ? Parce que l’équipe qui remporte le trophée Webb-Ellis est seulement celle qui arrive le mieux à gérer les trois mois précédant la compétition. Il faut veiller à ne pas avoir de blessés aux postes clés, à arriver au point physiquement… C’est une alchimie à établir. Les Bleus ont trois mois pour y parvenir.

Au moment du sondage lancé par Midi Olympique, vous vous étiez prononcé en faveur d’un consultant étranger à la tête du XV de France. Pourquoi ?

M. R. : Par rapport à l’expérience. Quand Graham Henry est devenu consultant des Pumas alors que nous allions jouer le 4-Nations, nous étions avec Santiago (Phelan) et Martin (Gaitan) de jeunes coachs sans expérience. Il nous a servi de guide, de vieux sage sur qui nous pouvions nous appuyer dès que nous trouvions un caillou sur notre chemin. Fabien Galthié est un immense technicien mais il n’a pas 200 matchs internationaux d’expérience en tant que manager.

À titre personnel, vous verriez-vous à la tête des Pumas ou d’une autre sélection ?

M. R. : Ce n’est vraiment pas ma priorité. Moi, je suis un homme de club. J’aime le quotidien. Prendre le temps de façonner une équipe et un joueur. Essayer de comprendre les hommes. J’aime mes joueurs et passer du temps avec eux. En sélection, on n’a pas ce temps-là. J’ai eu la chance de participer à deux Coupes du monde en tant que joueur (1999 et 2003), deux en tant que supporter (2007, 2015) et une en tant que coach des avants (2011). Le sélectionneur en poste, Mario Ledesma, est très compétent et après, la nouvelle génération portée par des mecs comme Fernandez Lobbe arrivera. Entraîner une sélection n’est vraiment pas dans mes projets, même à long terme. Après, il ne faut jamais dire jamais…

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